Château maudit (poème pour Toi)
Tel un animal blessé, fuyant le danger,
Tu t'es replié, léchant tes plaies, sans fin,
Tu geins, dans le silence de la nuit.
En ton être qui vacille,
Les souvenirs affluent.
La mémoire, intemporelle,
Inlassablement, écrit, et ré-écrit
Les douleurs, les souffrances inscrites en toi.
Ton refuge est ta solitude,
Ta tour d'ivoire aux multiples regards.
Regarder, ou voir, ce monde que tu crains,
Sans être vu. As tu peur à ce point ?
Gardien de ton rêve intérieur,
Ton oeil veille et trie :
Sus ! à l'indésirable visiteur,
Car de ses multiples charmes, tu te méfies.
"Etranger, passe ton chemin, il n'y a là, rien à voir ...!"
C'est le chant du solitaire,
Perclus, chaviré sur son île,
C'est la prière ardente
Du capitaine sans équipage,
C'est la plainte de l'oiseau blessé,
C'est le cri de l'aigle dans le ciel de l'ombre.
Combien de navires échoués,
Combien de compagnes, aux larmes douces et chaudes,
Combien de trésors enfouis, oubliés,
Combien de quêtes et conquêtes vouées à l'échec ?
Inutiles présents d'un Univers bienveillant.
Ô Chevalier d'un autre temps, révolu,
As tu jamais fait le compte des richesses perdues,
Tandis que dans le silence, encore et encore,
Tu crois vivre, en un monde qui, pourtant, dort ?
A l'éveil, ton âme t'appelle,
Elle te crie son amour, et te prie,
Te chante la joie, la beauté éternelle.
Du fond de ta détresse, elle n'a de cesse
D'ouvrir les portes de ce château maudit,
Qui depuis tant, et tant de temps,
La contraignent et l'étreignent
Etouffant la vie en elle, jusqu'à merci.
Mais... Tu ne l'écoutes pas.
Tu as renforcé les grilles, et levé les ponts.
Dans ta tanière, tu rumines et macères.
Qui va là ? Rien. Plus rien.
A ta porte, le dernier fidèle s'est détourné, lassé.
Sais tu bien, que celui qui s'en va, là,
Oui ! Celui là même que tu observes de loin,
Aux épaules voûtées sur son chagrin,
Celui là était Ton Sauveur, et te tendait la main !
Reviendra-t-il ? Nul ne sait.
Je l'ai croisé, il y a peu.
Il m'a montré, de loin, ta demeure,
Et, dans un flot amer,
Il m'a jeté ces mots :
"Etranger, passe ton chemin.
Il n'y a là...,
Plus rien...
à voir ...!"
(février 2010)
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