Marie-Paule Lingelser - ma palette d'artiste

Promenade de chien

A l'entendre farfouiller dans son sac, il semblerait que mon tour approche...

Déjà un moment que je guette les bruits annonciateurs.., je la connais, pensez donc ! Toujours pareil.

D'abord la douche qui coule avec ses couplets de chansonnettes jetés pêle-mêle, toujours inachevés, fausses notes suivies de silences, recherche d'inspiration, puis, un refrain joyeux ! voire pas joyeux du tout. Et à nouveau des silences entrecoupés de bruits sourds (sans doute des flacons qu'elle repose) et de pschitt-pschitt, ça y est : l'eau de toilette aspergée envoie ses effluves jusqu'à mes narines !

Bon, une étape de franchie. Cela va être le moment du tour devant l'armoire.

Mais oui ! les portes coulissent tour à tour... Une pause... Une idée ? Non... pas cette robe... Ben oui, madame n'a pas épilé ses jambes, c'est affreux !

Reste le pantalon. Alors là se pose le problème du choix. Choix de la couleur, jean, ou pas ? et puis quelles chaussures assortir ? et le petit haut ? avec ou sans soutien-gorge ?

Imaginez la patience qu'il me faut, à moi, pauvre quadrupède résigné ! Depuis le temps que ma vessie est gonflée à bloc, pas question d'ouvrir les vannes ! Il me faut absolument dominer ce besoin impérieux et penser à autre chose.

Mais oui. Penser.

Que croyez vous donc ? que je passe ces longues journées d'inaction, la tête vide, couché sur le tapis, sans bouger, tel un animal empaillé ?!

Avez vous jamais essayé de savoir ce qui se passe dans la tête d'un chien, quelle que soient sa couleur et sa race ? Je vois bien que vous n'avez jamais essayé.

Evidemment, on vous a appris qu'un animal, ça ne pense pas, ça n'a que des besoins primaires : manger, dormir, sortir faire ses besoins, aimer ses maîtres sans conditions, et se faire les dents accessoirement sur un os ...

Vous, les humains, vous en feriez une tête si vous saviez tout ce qu'on rumine du matin jusqu'au soir !

En tout cas, je ne sais pas pour les autres, mais pour moi, je suis sans cesse obligé de réfréner toutes ces questions existentielles qui se bousculent dans ma tête de chien. C'est ainsi, je suis un cérébral.

Allons bon, la voilà qui cherche ses clefs partout. On n'est pas encore dehors !

Mais non, ma chère, prenez votre temps. Cherchez ces clefs (qui sont simplement sur le frigo depuis hier soir, on se demande pourquoi !). Vous finirez bien par les trouver... Tout va bien. Je contrôle parfaitement mes sphincters à mon âge, heureusement pour moi.

Je suis encore plutôt fringant et lorsque je suis passé devant la vitrine du boulanger l'autre jour, je dois avouer que je me suis trouvé plutôt fière allure : sourcils broussailleux, barbiche bien taillée, l'oeil vif et séduisant, la queue droite et conquérante... Pas étonnant que la petite Tina, petite bichonne blondinette, me lance des regards enflammés et des petits cris langoureux, tandis que sa maîtresse la tire sans ménagement, de peur sans doute qu'elle ne préfère ma compagnie à la sienne.

A l'occasion, je lui ferai un petit clin d'oeil, et je verrais bien si on peut envisager une petite escapade entre canidés de bonne famille.

Ah ! Je vois que nous approchons de la délivrance.

Mais oui, ma chère ! J'arrive !

Enfin, je vais pouvoir relâcher mes sphincters en toute dignité, et relever mes boîtes aux lettres. A chacun son système de messagerie, n'est ce pas ?

Je vous salue bien, lecteur, et reprendrai cette petite conversation avec plaisir si le coeur vous en dit ...

A un de ce jours !

(dédié à Nelson, notre scottisch qui nous a quitté il y a 3 ans maintenant, et à qui je prête bien volontiers ces commentaires tant il me semblait spirituel !)

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